La carrière de Jean Boucher comme celle de tous les artistes est interrompue par la déclaration de guerre. Elle se voulait courte mais le choc des armées sur les fronts prouva le contraire. Le toscin annonciateur de la guerre retentit le 1er août 1914, mais ne suscite ni enthousiasme, ni révolte.
De 1914 à 1918 c’est l’engagement, la boue, le gaz, la terrible attente, la mort mais aussi le courage des soldats qui marquent à jamais Jean Boucher.
Au coeur du conflit
Avant guerre, Jean Boucher comme beaucoup, partageait des idées antimilitaristes, mais lorsque le conflit éclate, il prend volontairement les armes dans l’infanterie. L’artiste est mobilisé le 6 novembre 1914, et arrive sur le front le 24 janvier 1915.
Jean Boucher participe en première ligne aux grandes batailles de Verdun notamment celle de Douamont en 1916. Promu sous lieutenant pour la durée de la guerre il est nommé lieutenant à compter du 23 mai 1917.
Comme dans toutes les régions il existe une incompréhension entre le front et l’arrière. Celui-ci connaît mal ce qui se passe au front, les journaux pratiquent la désinformation et le courrier est censuré. Jean Boucher dans sa correspondance avec son épouse souligne à maintes reprises l’intransigeance de la discipline militaire, la censure des courriers.
Cependant l’abondante correspondance de Jean Boucher adressée à sa famille pendant la guerre revêt une importance particulière. Outre la mise en évidence d’une famille unie et déchirée par cette séparation, la correspondance montre le patriotisme qui a poussé Jean Boucher à s’engager mais aussi les moments de doutes, d’angoisse de cette « guerre des nerfs ».
Le peu de temps que lui laissait la guerre et la vie dans les tranchées, il le passait à écrire à son épouse pour la rassurer et lui commenter la première utilisation des gaz en avril 1915, le début de la guerre sous-marine, le drame du Lusitania …
Ses lettres écrites sur les papiers les plus divers à sa portée, sont parfois illustrées de croquis. Toutes témoignent et révèlent ce que ressent ce militaire qui se trouve être un artiste au front.
Lettre adressée à son épouse le 8 juillet 1915, Jean Boucher se souvient … « Guernesey ! Respirez un peu l’âme de Victor Hugo. Combien ces heures sont déjà loin. Nous en sommes séparés par un fleuve de sang, quand donc la bête humaine sera-t-elle gorgée de sang et repue ? »
Lettre datée du 29 août 1916 « Je suis presque à bout, ma réserve de volonté s’épuise hélas et cependant, il n’est rien qui vaille de vivre sans l’honneur, sans la dignité. J’irai jusqu’au bout de mon cruel devoir. Nous sommes à la minute obscure où l’énergie se disperse. Il faut vois-tu résister quand même ! »
Dans sa production artistique, cette période marque un tournant car il ne recherchera plus à transmettre le lyrisme et la liberté dans ses oeuvres mais le réalisme de Verdun, la commémoration, le souvenir de ce premier conflit mondial.
Ses rencontres dans les tranchées notamment avec André Maginot lui vaudront plusieurs commandes après guerre, le Monument à la Victoire et aux soldats de Verdun en 1929 puis il réalise les monuments dédiés au maréchal Galliéni en 1924 et au maréchal Fayolle en 1935.